Akhustal souffle

Tout en se séchant les cheveux, elle examinait d'un regard critique son reflet dans le miroir. Os saillants, ocelles beiges ou blanches parsemant la peau cuivrée, cernes ressemblants à des ecchymoses tellement ils étaient prononcés , prunelles hantées... Petite grimace de dépit. Si certains dommages n'étaient que temporaires, d'autres étaient permanents. Elle était marquée au plus profond d'elle-même. Et elle récupérait mal. De s'être autant ouverte pendant l'Abandon, elle y avait laissé les boucliers qui tenait en laisse son désespoir. De nouveau, les cauchemars visitaient son sommeil. Et la colère battait de ses flots, son esprit. Akhushtal soufflait... Adossée au plan de travail de la cuisine, elle fixait l'horloge. Comme si elle en avait besoin... Elle était parfaitement consciente que celà faisait cinq minutes que le vent des femmes soufflait de nouveau. Un léger craquement se fit entendre. Elle baissa le regard vers ses mains: sa tasse était sur le point de rendre l'âme. Un juron lui échappa. Pas la peine d’essayer de lui échapper ou de faire comme si de rien n'était. Elle était au bord de la crise de nerfs et son coeur battait à tout rompre malgré l'épaisseur des murs de son bunker. La tasse finit sa vie contre le mur tandis que un juron plus sonore retentissait. Dios, qu'est ce qu'elle détestait se retrouver dans cet état. Elle se prépara en quelques gestes fébriles. Quand le sifflement du sas retentit, elle sortit et s'éloigna de son bunker en longues enjambées. Sa course devient erratique tandis que le souffle d'Akhushtal l'encercle, l'entoure. Étreinte impalpable et pourtant implacable. Elle se laisse tomber à genoux sur le sable. Tête baissée, poings serrés, elle écoute le murmure insidieux, la plainte éolienne, la complainte des Ciuateteo. Ce chant rempli de la douleur des mères mortes, si semblable à celui qu'elle porte en elle. Elle l'écoute ce qui lui semble un temps infini avant de craquer. Un hurlement déchirant lui échappe tandis qu’elle se laisse enfin aller à son chagrin.Son poing droit frappe le sable, manifestation de colère dérisoire et impuissante. Un deuxième cri s'arrache de sa gorge tandis que les premiers sanglots la secouent. Le vent l'étreint plus étroitement, la berce, tandis que enfin elle se laisse aller à déverser sa peine immense.