Khaléidoscope.

Assise en tailleur, elle laisse le Vent-Mère la bercer, la débarrasser des pensées parasites.
Il est temps qu'elle se recentre, qu'elle découvre le nouveau moi qui a émergé.
Naissance difficile.
A force de se concentrer sur les autres, sur les événements, elle s'est oubliée en cours de route.
Comme tant d'autres terras avant elle, elle a failli en disparaitre, se laisser emportée par le courant de l'ennui et de la lassitude.
A force de se fuir aussi.
A force de renier son chagrin, de le cacher derrière tout le reste, elle s'est perdue de vue au fur et à mesure qu'elle murissait, réapprenait à vivre.
Et a failli en mourir.

Elle a survécu et elle est là, maintenant.
Se demandant quel morceau de sa personnalité kaléidoscopique est aux commandes, maintenant.
Elle se sent plus forte, se sait plus forte, mais en même temps si fragile.

S'ouvrir aux autres, apprendre, réapprendre les liens sociaux, les forger a ouvert un couloir dans son armure de glace.
Les petites trahisons et les grandes amitiés, les trépassés ont marqué son cœur au fer rouge.

Au jeu des hypocrites, elle ne sera jamais première, même si maintenant, il lui arrive de cacher sa pensée derrière un mur de silence ou de sarcasme. Faut il vraiment en passer par le faux semblant pour communiquer avec les autres, pour se faire entendre?

Ceci importe peu de toutes façons.
Elle a surmonté celà comme elle a surmonté le sentiment d'avoir failli, de ne pas avoir tendu la main assez loin, assez fort, de ne pas avoir su retenir ceux qui sont partis. On ne peut pas sauver celui qui ne veut pas être sauvé.
Et l'amertume n'a jamais ramené personne, ni rendu les choses plus faciles.
Elle s'est débarrassée de ce fardeau là.

Elle a accepté sa part d'ombres, son coté hors limites, ses psychoses.
Savoir que l'on porte un monstre en soi qu'il faut nourrir avec du sang et des larmes.
Et l'accepter.
Le nourrir avec bienveillance, le câliner, l'honorer. Il est elle, elle est lui.
Le seul moyen de rester humaine, de ne pas sombrer dans l'insalubrité n'est pas de le renier, mais de l'accepter. Accepter le gout du sang et de la mort, d'être un prédateur.

Et parce que tout est dualité, elle accepte aussi sa part de chaleur.
Elle ne renie plus ni la douceur, ni la tendresse qui parfois l'habitent.

Profond soupir qui s'échappe des lèvres pleines tandis que ses yeux balaient l'horizon.
Elle berce son chagrin comme on bercerait un enfant.
Chagrin de ses enfants perdus. Souvenirs qu'elle a voulu balayer dans un passé relégué aux oubliettes et qui jamais n'ont cessé de la hanter.
Doucement, elle laisse les larmes dévaler ses joues.
Plus jamais, elle ne reniera cette part d'elle, celle qui l'a forgé à ses premiers pas sur cette terre hostile.
Ciuateteo, elle est.
Et de cette douleur naît sa force, son être, sa rage.
C’est le noyau qui la contient, la source de tout ce qu'elle est aujourd'hui, mère et meurtrière.
En un mot: femme.