Akhushtal
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
-21%
Le deal à ne pas rater :
LEGO® Icons 10329 Les Plantes Miniatures, Collection Botanique
39.59 € 49.99 €
Voir le deal

Cyann, Prélude

Aller en bas

Cyann, Prélude Empty Cyann, Prélude

Message  Invité Mar 22 Mar - 9:27

"Un bon diplomate est quelqu'un qui peut égorger son voisin sans qu'il s'en aperçoive."
"Le cynique est celui qui, lorsqu'il sent un parfum de fleurs, cherche le cercueil."
"Quant on est jeune, il est trop tôt ; quant on est vieux, il est trop tard."

VoxTerm Information : Jour de l'Aigle.
Nous sommes le 04 : Codex TEM 0a02 Chaque enfant part dans le Bunker père pour sa formation technologique jusqu'à 16 ans.....

Et moi ?...........14 et demi ça compte pas ?


Rebouteuse et autres étrangetés guérisseuses de mère en fille.
____________________________________________________________________


Prélude. Hiver 1433 Prima Terra.





C'est une aube pure et glaciale, je vois cette lueur rose tendre qui tranche avec le reste.Le contraste est presque obscène avec l'insalubre qui m'environne.Et même cet air plein de froidure, pur ne sait couvrir la puanteur que je respire. Je la recrache avec ce brouillard bas en une buée blanchâtre et saccadée. Je coure à perdre haleine, les ruelles crasses, les trous d'eau à demi gelées, je croise des hardes sombres, des visages décomposés au découvert de la nuit. C'est l'hiver et ils portent tous le même stigmate. La misère comme une lèpre sur la peau, maladie contagieuse, jusqu'aux bouts de leurs pieds bleus. Les temps sont durs.J'aperçois au loin l'inimaginable et j'avance toujours. Je sais que j'arriverai trop tard. Que c'est inutile mais je continue ma progression et mes talons nus claquent et dérapent souvent.

Et ce soleil qui commence sa course, livrant avec impudeur toute cette laideur à la clarté du jour. Je vois ces lueurs et j'accélère encore. Il y a ce battement fou qui m'accompagne, qui vrille mes tempes et cette douleur folle dans la gorge. Serrée. Je viens de comprendre. Ce n'est pas le soleil. Je vais vers le nord. Ce n'est pas le soleil... Je vois flous et ce gel me pique agglutiné au bout de mes cils. C'est ce battement fou et puissant qui me porte, ce désespoir atroce qui me jette en avant. Et cette voix fataliste qui égrène sa litanie morbide dans ma tête.

Trop tard... trop tard..

Je suis folle d'inquiétude, anéantie par l'inéluctable, à demi morte d'avoir passer la nuitée dehors à guetter. C'est la herse avec grincement sinistre qui m'a réveillée, sursaut salutaire dans mes hardes roidies. Sommeil sournois et dépouillé de rêve qui précède la mort. Je dépasse comme un spectre volant la charrette qui emporte des corps sans vie. Moisson des mâtines blanches avec leur congères rivées aux carreaux. Comme des bijoux précieux translucides, tels des hivers parsemés par petits bouts. Je ne ferai pas partie de ce convoi brinqueballant, la malemort attendra encore un peu. J'ai à faire avant. Partir avant elle c'est impossible j'ai fait le serment.

L'éclat là bas vers lequel je m'élance, gagne en puissance et la ruelle refuse de se terminer. Je vois la clarté grossir et une rumeur sourde s'amplifie. Et ce même hurlement inhumain et sauvage. Celui d'une bête qu'on dépeçerait sur place, aucun comédien ne saurait le reproduire. Il vous glace le sang.

L'air s'épaissit, je manque de tomber plusieurs fois. Je ne me relèverai pas alors je me rattrape à cette poignée d'espoir de pouvoir influer sur le cours des choses. Futiles et fragiles pensées. L'espoir est mort. Ce qui fut beau n'a pas survécu et le bourreau se tient à son office.

Ô rage impuissante, je la sens charrier mon sang, Ô sanglots étouffés, secs et écorchés vifs par le rythme que j'impose à cette souffreteuse carcasse. J'ai la gorge comme arrachée. La nausée envahissante voudrait bien vomir cette course effrenée. L'hallali est en cours, c'est la curée du feu. Je le vois avec sa coiffe odieuse, assistant laborieux et docile, expert de la mort tourmentée, accrédité pour martyriser les corps quand son maître brise les âmes.Pour mieux les rendre et envoyer au ciel. Fonctionnaire des enfers, je le hais.

Il y a cette silhouette qui danse à son pilier d'occasion. Des prières, des gémissements apitoyés, les badauds se signent, une mère met une main protectrice sur les yeux de son rejeton. Chuchotements horrifiés et regards hallucinés de ceux là même, écoeurés et surpris par la dure réalité.Ceux là même qui se levèrent à point d'heure pour y assister avec appétit vorace.Elle danse, je la vois, torche vivante, mère morte, l'entrave sûre et d'acier comme si elle pouvait s'envoler..

.Lui je discerne maintenant sa bouche torve prononcer ses imprécations, yeux exorbités, bouffi de son importance, confis dans sa transe. Aveugle d'obscurantisme. Ses lèvres bougent, il éructe de haine,régurgitant sa croyance comme l'ulcère mûr expulse son pus, les bajoues agitées, le corps enveloppé bien au chaud dans sa robe d'apparat et bordé de fourrure douce.
Empreint de solennel, il a les artifices ostentatoires loin de l'humilité qu'il prêche à ses ouailles.On chuchote qu'elle lui a ri avec insolence au nez en appelant l'autre monde plus clément de ses voeux et en le maudissant par trois fois. Il est le Mal incarné en habit de justice.Le droit et la coutume pour lui. Je le vois ainsi qu'il est. Un masque de chair congestionné de haine, pointant un index accusateur, exortant la foule à l'obéissance, à rester au giron saint, le filet de bave en commissure, dieu qu'il est laid. Diable qu'il est bien grimé ce suppôt de Satan.

Le hurlement reprend ébréché, rauque, il ricoche sur des murs gris et suintant, rebondit sur les pavés jonchés d'excréments, il semble s'amplifier et venir de partout. Je crache un filet âcre de sang. Comme la fumée irritante se mêle à la brume pâle. Mes cheveux sont défaits, ils font des sortes de branches molles qui cinglent les passants, pauvres hères maigres aux façiès encore endormis.

Pardieu cette odeur est pestilentielle, relent douceâtre qui soulève le coeur. J'ai bondi comme la démente pour déboucher enfin sur cette place infernale, le vent complice attise, il y a des braises qui volent, de cette cendre encore brulante qui tourbillonne, poussière de vie.
Je me fige alors que courbée d'essoufflement, je lève les yeux vers les siens. Eteints mais allumés de flammes, elles jaillissent des orbites, chevelure partie en crépitements et en fumée.Léchée, dévorée, bientôt consumée, le brasier l'habite en son entier et je réalise avec horreur l'atrocité commise. Je sens son parfum d'agonie qui s'infiltre partout, planant comme le vestige d'un drame. Le supplice et son calvaire. Je tombe, c'est plus que je ne peux en supporter, le genre de choc qui suffit pour toute une vie. La mienne peut s'achever. Je sais ce qu'elle a souffert. C'était la dernière.Avec ses mains douces qui savaient soigner. Ses mains qu'on lui a coupé et qui se revendront sous le manteau.Ils se disputeront aussi ses restes jusqu'à l'ongle, les légendes populaires ont la mémoire longue.

Lui il m'a vu, reconnu, je lui ressemble tant. La force de fuir m'est refusée, je reste sur mes genoux écorchés, le souffle court.Incapable de recouvrer une respiration normale. Je sais que le fruit, l'enfant aussi...Je vais mourir comme elle, sur ses cendres, en même place, au même jour.
Je vois ses pieds là dans une flaque moribonde et saumâtre, le contact dur du sceptre sur mon épaule, dans le coin contre un bout de muraille un maure sourit d'étrange façon. Je cligne des yeux plusieurs fois, pour revenir à cette vision inusitée. Je crois l'avoir imaginé avec mon pauvre esprit égaré.Je balaie de nouveau l'endroit où il est apparu, je sens le métal qui s'enfonce dans ma chair, les insultes qui pleuvent sur ma tête, il me nomme comme il croit que je suis, le mot claque dans son absurdité, la sentence qui tombe..
L'emballement furieux de mon coeur, ce goût de sang sur mon palais, ce grognement profond de révolte. Et le voile rouge sanglant qui me bouche soudain la vue. Je me suis ramassée comme l'animal traqué.
J'ai bondi vers l'incarnation de tout mes malheurs. Surprenante de vitesse, légère d'être si maigre et si jeune, je viens d'avoir treize ans, hurlante, terrifiante sûrement dans ma folie passagère. J'entends des cris stridents, moi je griffe, j'arrache, avec cette joie malsaine de lui faire mal.Il y a encore ce fracas terrifiant, ce maure incongru, cette lumière anormale à cette heure du jour qui perce faiblement le rideau rouge sang, un craquement, du flasque sous mes ongles. Des mains autour de mes poignets qui veulent me faire lâcher prise.

Un silence de mort brutal comme l'arrêt d'un coeur, ce mouvement de foule comme une envolée de moineaux farouches et effrayés fuyant un massacre. Des cliquetis de métal foulant lourdement la terre souillée. Le sol résonne et tangue et tremble.La nuit noire qui m'emporte soudain, parmi les hurlements, des bruits de chutes, des râles autour du bucher encore intense où elle finit de disparaitre. Poussière d'humanité, sacrifiée à l'autel de l'ignorance et des peurs ancrées.Moi je sombre en silence les paumes ouvertes, sans rien comprendre, aux abîmes de l'horreur.
Je tombe avec une lenteur surnaturelle, toutes les paillettes de mes yeux rivées à cette chose visqueuse qui me jauge avec incrédulité et que je tiens.
Le néant m'emporte.

"Je crois que je lui ai arraché les yeux.Je suis arrivée trop tard".



[Jour 48 depuis l'arrivée.Rêve putride.]

Sursaut, éveil brutal. Il découpe mes phases de sommeil en lambeaux incarnat, au plus je le rejette, l'élude et l'étouffe au plus il me hante, comme un refrain ancien qui refuse de mourir, c'est en vain. Il revient inlassable comme une marée harcèle une grève déjà par trop érodée.Ici je le couche comme on enterre, qu'il y reste, qu'il me lâche le repos.

Je ne sais pas ce qu'il est ni d'où vient vraiment. Si c'est un souvenir il vaut mieux ne pas savoir.

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

Revenir en haut


 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum